Le Masque de cuir

Avec Carl Brisson, Jack Sander, Lillian Hall-Davis…

Jack, boxeur dans une foire, propose aux badauds de se mesurer à lui, tandis que sa fiancée vend les billets. Un jour, un homme fait des avances à la jeune femme. Jack le met alors au défi de l’affronter…

Si le titre français paraît un peu fantaisiste, le titre original, lui, est exact.  Car The Ring n’est pas seulement l’histoire d’un boxeur de foire en route vers la gloire et prêt à tout pour garder sa fiancée auprès de lui. C’est aussi l’histoire du retour obsessionnel d’un même motif, le cercle. Bijou-serpent qu’on enroule autour du bras, coupe de champagne, ruban de tickets et maintes autres occurrences encore. Hitchcock aimera souvent se livrer à de telles variations à la fois espiègles et réellement inventives, des lignes parallèles de L’Inconnu du Nord-Express aux spirales de Vertigo, des perpendiculaires de La Mort aux trousses à la couleur rouge dans Pas de printemps pour Marnie. Le Masque de cuir pourrait bien en marquer le moment initial.

Emmanuel Burdeau 

Laquelle des trois?

Un fermier aisé et veuf décide de se remarier. Après avoir passé en revue les différents partis possibles, il se désespère car aucune des dames qu’il a rencontrées ne s’accorde avec lui…

Avec Jameson Thomas, Lillian Hall-Davis, Gordon Harker…

On le sait mal, mais avant la campagne automnale de Mais qui a tué Harry ? il y eut en Angleterre aussi un Hitchcock rural. C’est The Manxman, c’est The Skin Game. Et c’est Laquelle des trois ?, où l’on voit un fermier devenu veuf partir à la recherche d’une nouvelle femme. Singulier film, à la fois mélodramatique et grotesque, dont on peut retenir deux motifs. L’un vide et l’autre plein. D’une part la chaise inoccupée dans laquelle les candidates viennent une à une prendre place en surimpression. Et d’autre part la nourriture avec quoi le cinéaste s’amuse ici encore plus qu’ailleurs, allant jusqu’à faire trembler dans son assiette, en signe d’angoisse, un petit tas de jelly.

Emmanuel Burdeau 

À l’américaine

Une jeune et jolie héritière américaine rejoint par défi l’homme qu’elle aime. Mais son père voit ce départ d’un mauvais œil et fait suivre le couple…

Avec Betty Balfour, Jean Bradin, Theo von Alten…

Comédie mondaine et même internationale – une partie importante se déroule sur un bateau –, satire des riches, de leurs privilèges et de leurs aveuglements, revers de fortune et quiproquos entre les classes : À l’américaine prouve les similitudes entre les cinémas d’Alfred Hitchcock et d’Ernst Lubitsch.

Emmanuel Burdeau 

The Manxman

Caesar Cregeen oblige le pêcheur Pete Quilliam à faire fortune avant d’épouser sa fille. Pete part alors pour l’Afrique du Sud, mais, en son absence, sa fiancée tombe amoureuse de son meilleur ami…

Avec Carl Brisson, Malcolm Keen, Anny Ondra

Unique film insulaire de l’œuvre, The Manxman met en scène une femme prise entre deux hommes. Entre deux classes surtout, puisque l’un est un pauvre pécheur et l’autre un avocat issu d’une riche famille. Conflit typique de ces années, où la question sociale est omniprésente. La scène du tribunal, où l’héroïne vient comparaître suite à une tentative de suicide, est frappante. Elle est aussi anticipatrice de bien d’autres épisodes futurs. C’est Anny Ondra qui interprète la jeune Kate. Actrice tchécoslovaque, sa carrière anglaise prendra fin peu après l’arrivée du parlant. Avant cela, elle aura été l’Alice de Chantage (où, pour cause d’accent, elle fut doublé en direct sur le plateau).

Emmanuel Burdeau 

Chantage

Alice White est la fille d’un commerçant londonien. Son petit ami, Frank Weber, est policier. Alice s’ennuie avec Frank et rencontre secrètement un autre homme, Tracy, qui tente de la violer. En se défendant, elle le tue avec un couteau de cuisine. Quand le corps est découvert, Frank est sur l’affaire et se rend compte qu’Alice a commis le crime. Et quelqu’un essaie de la faire chanter…

Avec Anny Ondra, John Longden, Sara Allgood, Donald Calhtrop

Projeté exclusivement en version parlante.

Meurtre

La séance du 18.04 en grande salle sera présentée par Emmanuel Burdeau, critique de cinéma et ancien rédacteur en chef de Cahiers du Cinéma, puis suivie d’un débat.

Un acteur est choisi comme membre d’un jury au cours du procès d’une jeune femme accusée d’avoir assassiné une amie. Convaincu de l’innocence de la jeune femme, l’acteur décide de prouver son innocence en recherchant le véritable assassin…

Avec Herbert Marshall, Norah Baring, Phyllis Konstam

Sinon le premier, un des premiers très grands films d’Hitchcock. Le mélange entre la comédie et le polar y est merveilleusement dosé. Et les innovations sont légion. Citons-en quelques unes : le monologue intérieur de Sir John devant son miroir ; le sol qui devient mou pour marquer l’inquiétude de l’homme qui y avance ; l’utilisation du théâtre dans le théâtre afin de confondre l’assassin ; le suicide de celui-ci, trapéziste dans un cirque, devant une foule effarée mais contrainte de continuer à regarder. Tout cela reviendra, sous une forme ou sous une autre, dans la suite de l’œuvre hitchcockienne.

Emmanuel Burdeau 

Junon et le paon

Juno Doyle s’occupe de ses deux enfants et de son mari, qui refuse de travailler. Elle est grandement soulagée lorsque sa fille lui annonce son mariage avec un riche avocat…

Avec Sara Allgood, Edward Chapman, John Laurie…

Adaptant une pièce de Sean O’Casey, Hitchcock se transporte dans un contexte inhabituel pour lui – l’Irlande et ses luttes – pour composer une étrange combinaison de film politique, de comédie domestique et de mélodrame familial. Le paon du titre est superbement interprété par Edward Chapman, également présent au casting de Meurtre et de The Skin Game.

Emmanuel Burdeau 

The Skin Game

Les membres d’une prestigieuse famille britannique font chanter un industriel pour l’obliger à leur revendre un terrain sur lequel il prévoit d’implanter une nouvelle usine…

Avec Edmund Gwenn, Jill Esmond, John Longden…

Au centre de ce film il y a d’abord le génial Edmund Gwen, qu’Hitchcock retrouvera dans Mais qui a tué Harry ? Il y a aussi, chose rare chez le cinéaste, surtout à cette époque, une gravité presque constante. C’est qu’il s’agit d’opposer deux mondes, deux époques, deux visions de l’Angleterre au début du XXème siècle. Et c’est qu’entre deux maux, les menées agressives de l’affairiste joué par Gwen d’une part et la morgue old school de ses nobles ennemis d’autre part, Hitchcock hésite à choisir. Rarement film de lui aura été aussi sombre. Nombreuses, les scènes d’affrontement verbal sont remarquables dans la caractérisation sociale et psychologique comme dans la science des déplacements dans l’espace. Quant au final, il constitue la scène la plus déchirante de cette séléction.

Emmanuel Burdeau 

À l’est de Shanghaï

Grâce à un héritage, Fred embarque, en compagnie de son épouse Emily, pour une croisière autour du monde. Sur le bateau, chacun fait des rencontres, et le jeune couple ne tarde pas à se déchirer…

Avec Henry Kendall, Joan Barry, Percy Marmont

Hitchcock raconte qu’en compagnie de son épouse et scénariste Alma Reville, il fit une croisière pour préparer l’écriture et le tournage. L’exercice semble avoir été profitable. L’exotisme et son ivresse, ses désillusions aussi sont en effet au cœur de ce film. Exotisme social pour ce couple d’employés qu’un héritage rend soudain riche. Exotisme géographique – qui annonce l’épisode marocain de L’Homme qui en savait trop –, puisque la croisière où ce couple s’embarque les mènera jusqu’à l’est de Shanghai, comme le dit le titre français. Et exotisme amoureux, puisqu’aussi bien elle que lui iront voir ailleurs, avant de se décider à rentrer à la maison. Tout est déguisement et dépaysement, faux-semblants, dans ce film où ne manque même pas un bal costumé, vingt ans avant celui de La Main au collet.

Emmanuel Burdeau 

Numéro 17

Un détective, à la recherche d’un collier volé, se retrouve dans une maison étrange qui semble à l’abandon. Il va alors se retrouver nez à nez avec un vagabond, puis avec une femme et enfin un corps…

Avec Leon M. Lion, Anne Grey, John Stuart

Film volontiers délirant – Hitchcock lui-même reconnaissait n’y rien comprendre –, Numéro 17 se regarde avec bonheur. Pour sa brièveté, 1h07 qui passe comme un rêve. Pour le décor quasi unique, la cage d’escalier d’un immeuble poussiérieux, la nuit. Pour le personnage irrésistible du vagabond à la fois couard, gouailleur et débrouillard. Pour la première occurrence d’une figure appelée à devenir emblématique, celle d’un couple enchaîné suspendu au-dessus du vide. Pour la course-poursuite – seule partie dont Hitchcock consentait à se souvenir  – où les maquettes, notamment de train, font merveille.

Emmanuel Burdeau