MEME LES SOURIS VONT AU PARADIS, de Jan Bubenicek, Denisa Grimmovà
(CZE + FR + POL + SVK – 2021 –1h28)
– Après un malencontreux accident, une jeune souris au caractère bien trempé et un renardeau plutôt renfermé se retrouvent au paradis des animaux. Dans ce monde nouveau, ils doivent se débarrasser de leurs instincts naturels et suivre tout un parcours vers une vie nouvelle.
Cette pépite de tendresse nous rappelle en images et en mots que l’amour n’est pas conditionné par l’apparence ou la nature de chacun·e. Les valeurs universelles de tolérance, de compassion et d’acceptation sont merveilleusement illustrées par un binôme aussi inattendu qu’attachant. Doté d’une animation en stop-motion grandiose (et 100% européenne !) et d’une histoire émouvante, Même les souris vont au paradis est une ode à l’amour et à l’amitié. Malgré les différences, ouvrez vos cœurs et célébrez la beauté de la diversité et de l’amour inconditionnel. (M.F.)
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LES NOCES FUNÈBRES, de Tim Burton
(GB – 2005 – VOST + VF – 1h17)
– Au XIXe siècle, dans un petit village d’Europe de l’est, Victor, un jeune homme, découvre le monde de l’au-delà après avoir épousé, sans le vouloir, le cadavre d’une mystérieuse mariée.
Le cinéma de Tim Burton n’est-il jamais meilleur que lorsqu’il se propose de faire se mouvoir des figurines et autres objets inanimés ? C’est ce que cette adaptation d’un vieux conte traditionnel, après Frankenweenie et L’Étrange Noël de Monsieur Jack, pourrait bien nous faire croire. Toute œuvre filmique se doit de nous offrir une fréquentation avec la mort au travail, et voilà une occasion de prendre cela au mot.
Les avatars de ses acteurs fétiches Helena Bonham Carter et Johnny Depp (à qui l’on conseillerait aujourd’hui de se faire en effet attraper et jeter dans les profondeurs d’un cimetière) déambulent donc dans un monde aussi grisâtre qu’éclatant de virtuosité. Le réalisateur avoue plusieurs patronages : l’ennui de sa ville natale de Burbank et son onirique horizon mexicain lui auront fait découvrir la jovialité des squelettes, tandis que le nom de Ray Harryhausen – maître parmi les maîtres de l’animation qui passa une tête lors du tournage – finit sur le piano de la famille de la mariée non cadavérique. (R.S.)
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ZOMBILLÉNIUM, d’Alexis Ducord, Arthur de Pins
(FR + BE – 2017 – 1h18)
– Dans le parc d’attractions d’épouvante Zombillénium, les monstres ont le blues. Non seulement, zombies, vampires, loups garous et autres démons sont de vrais monstres dont l’âme appartient au Diable à jamais, mais en plus ils sont fatigués de leur job, fatigués de devoir divertir des humains consuméristes, voyeuristes et égoïstes, bref, fatigués de la vie de bureau en général, surtout quand celle-ci est partie pour durer une éternité…
Zombillénium, c’est le film idéal à partager en famille pour Halloween ! Plongez dans un parc d’attractions peuplé de monstres où se mêlent (beaucoup) d’humour et (un peu) de frissons. Bien sûr, en cohérence avec notre cycle, c’est également un film qui explore l’amour et en l’occurrence le tabou, lorsqu’Hector craque pour une créature très différente de lui… Cette aventure captivante questionne les préjugés et invite à embrasser la diversité, pour que l’amour triomphe toujours. (M.F.)
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LA BELLE ET LA BÊTE, de Jean Cocteau
(FR – 1946 – 1h36)
– Pour l’offrir à sa fille, le père de la Belle cueille, sans le savoir, une rose appartenant au jardin de la Bête, qui s’en offense. Afin de sauver son père, la Belle accepte de partir vivre au château de la Bête.
Le 27 août 1945, quand Cocteau entame le tournage de son 1er long métrage, l’horreur de la guerre fait encore trembler le monde et les conditions sur le plateau sont très difficiles mais il est plus que jamais déterminé à réenchanter le monde. Il sût convaincre son équipe et ses acteurs notamment le célèbre Jean Marais de le suivre dans cette aventure. Cocteau est marqué par la honte d’une maladie de peau qui l’oblige à camoufler son visage sous une épaisse barbe et de se protéger sous un masque des lumières des projecteur qui le blessent. Il devient ainsi l’étrange miroir de son protagoniste. Refusant malgré tout ou peut-être à cause de cela d’arrêter le tournage, il frôle la mort.
Pourtant… la photographie est magistralement travaillée pour créer deux univers distincts celui de Belle, lumineux et pictural et celui de la Bête sombre et mystérieux. C’est toute la magie de ce que Cocteau appelait « l’encre de lumière ». Les effets spéciaux sont pour l’époque extraordinairement inventifs, l’illusionnisme étant à la fois l’essence du cinéma et du conte.
Presqu’un an et demi après la pellicule a imprimé cette pugnacité et toute l’inventivité dont il a fallu faire preuve. Ne demeure que le rêve. Il y est parfois teinté d’obscures mystères au plus près de l’esprit des contes, finalement très éloigné de Disney et bien plus proche de Gustave Doré au sujet duquel Cocteau déclarera : « Je faisais mon film sous son signe. » (N.F.)
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GIRLFRIENDS AND GIRLFRIENDS, de Zaida Carmona
Titre original : La Amiga de mi Amiga
(ESP – 2022 – VOST – 1h25)
– Elles ont une trentaine d’années mais vivent comme lorsqu’elles en avaient vingt. Elles sont amoureuses de l’amour mais, dans leur quête, elles se déchirent, passant d’une ex à l’autre, d’une relation à l’autre.
Certains films prouvent avec jovialité et fierté la haute vertu de dégager quelques espaces, ne serait-ce que le temps d’une projection, où une communauté singulière peut exister de façon pleine et entière. La cinéaste, avec un budget qualifié de « punk », et sa compagnie de femmes amoureuses – dont Rocío Saiz, chanteuse et activiste, et Alba Cros, également directrice de la photographie et réalisatrice – déploient d’heureuses possibilités : dans cette métamorphose de l’œuvre rohmérienne, où depuis la mélancolie de la rupture l’on tisse les chemins vers la vitalité des sourires, Zaida Carmona exprime le génie lesbien et expose son intention « qu’une personne hétérosexuelle puisse avoir comme références des personnages de films LGBTIQ+. »
Si vous aussi vous venez de traverser une période de trouble sentimental, mais qu’à l’amertume vous aimez conjuguer la douceur et le rire sans ambages, profitez de ce long métrage coloré pour une sortie collective dont le seul risque est de vouloir ensuite partager son amour avec l’ensemble de vos partenaires de séance. (R.S.)
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LES SORCIÈRES D’EASTWICK, de Georges Miller
(US – 1987 – VOST – 1h58)
– Trois jeunes femmes espiègles et indépendantes se morfondent dans la très puritaine petite ville d’Eastwick ou jadis furent brûlées maintes sorcières accusées de commerce avec le Diable. Elles se réunissent régumièrement, jusqu’au jour où… Daryl van Horne…
L’été où un magnétoscope est apparu à la maison, un jeune ami cinéphile de notre père lui a prêté un carton de VHS. Dedans il y avait Les Sorcières d’Eastwick.
Je ne sais plus quel âge on avait, mais si on l’a autant regardé mes sœurs et moi, c’est qu’il devait s’y passer un truc qui nous parle.
La vérité c’est que cette histoire d’émancipation et d’empouvoirement de ces trois amies dans un bled conservateur est jouissive. C’est ça qu’on voulait : être fortes, libres, se marrer, draguer Satan. (A.B.)
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MY OWN PRIVATE IDAHO, de Gus van Sant
(US – 1992 – VOST – 1h45)
– Mike et Scott vivent parmi les marginaux de Portland. Ils partagent tout : de al drogue aux hommes et femmes à qui ils se vendent. Mike ne cache pas son amour à Scott qui se refuse pourtant à lui. Ensemble, ils prennent la route pour retrouver la mère de Mike…
Road movie atmosphérique (la fuite des nuages…) et mélancolique dans le milieu des marginaux et de la prostitution masculine. Par le biais d’insertion subtiles de dialogues shakespearien qui se fondent idéalement dans le scénario, ce film assume totalement son côté théâtral à travers les personnages de Scott, fils rebelle du maire de Portland et de Bob, roi des clochards et maître à penser inspiré du personnage de Falstaff.
Difficile d’oublier la beauté irradiante des deux héros, Keanu Reeves à ses débuts, tout en intériorité et retenue et River Phoenix, ange déchu en quête de sa mère, au physique de James Dean. (C.I.)
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UNE PASSION, d’Ingmar Bergman
(SWE – 1969 – VOST – 1h50)
– Quatre personnes se rencontrent sur une ile, et un fou tue les animaux.
Bergman ? Passionné par le couple ? C’est peu de le dire. Au sein du Conseil de programmation, nous avons longuement hésité entre Scènes de la vie conjugale – ce sera peut-être pour un futur hypothétique cycle sur les ruptures… qui sait ? – Une leçon d’Amour et cette Passion, moins connue et formellement plus qu’intéressante. Quand la mort d’animaux illustre tout ce qui ne va pas dans le couple, le tout coupé par les interviews des comédien·nes qui parlent des personnages qu’iels incarnent… (C.B.)
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THE BALLAD OF GENESIS AND LADY JAYE, de Marie Losier
(US – 2011 – VOST – 1h12)
– The Ballad of Genesis and Lady Jaye retrace l’histoire hors du commun de l’artiste Breyer P-Orridge Genesis et de sa femme et partenaire artistique, Lady Jaye Breyer P’Orridge, qui par amour ont décidé tous deux de se fondre en une seule entité.
C’est un film où deux êtres iconoclastes de l’avant garde new-yorkaise tombent amoureux fou, c’est un film de métamorphose et de fusion. Genesis Breyer P-Orridge est une figure majeure de la musique industrielle, elle a côtoyé Burroughs et Gysin, maîtres du cut-up, et un jour elle a rencontré Lady Jaye… Un jour, Marie Losier elle aussi, rencontra Genesis et Lady Jaye. « You are the one we were waiting for », lui dirent-elles. De là démarrèrent sept années d’aventure où se tissera une relation d’art et d’amitié.
Il y a quelque chose de l’adéquation totale entre leur vie extrême, fragile et poétique, et la matière de ce film. Pellicules 16mm, décalages sonores, petites performances oniriques, cadences variées, images rugueuses, répétitions, images d’archive, …les éléments s’articulent et dialoguent avec force et tendresse entre eux et entre elles trois. Ce film est ainsi, peut-être, lui aussi à sa manière, une entité pandrogyne, issue de la substance de trois êtres qui se sont laissés la liberté d’être, de créer et de se transformer. Un film bouleversant qui donne envie d’aimer singulièrement et de changer ! (N.M.)
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JULES ET JIM, de François Truffaut
(FR – 1962 – 1h45)
– Paris, dans les années 1900 : Jules, allemand et Jim, français, deux amis artistes, sont épris de la même femme, Catherine. C’est Jules qui épouse Catherine. La guerre les sépare. Ils se retrouvent en 1918. Catherine n’aime plus Jules et tombe amoureuse de Jim.
Truffaut n’a pas 30 ans quand il réalise en 1960 ce classique de la nouvelle vague. Cette jeunesse transparait dans l’une des tragédies les plus joyeuse du cinéma, portée par le charme et la pétulance des acteurs et de Jeanne Moreau en particulier. L’histoire d’un amour tendre et fou, de 2 hommes, l’un français, l’autre allemand pour une femme libre en 1910. Hymne à l’amour libre, c’est aussi le récit d’un drame amoureux, de la douloureuse impossibilité du choix, une histoire de triangle amoureux qui finit mal.
Si ce film est aussi vivant c’est sans doute qu’il est inspiré d’un coup de cœur de Truffaut pour le 1er roman de H-P Roché. Après leur rencontre 5 ans avant la réalisation de ce film, il écrira dans les cahiers du cinéma : « L’un des plus beaux romans que je connaisse est Jules et Jim qui nous montre, sur toute une vie, 2 amis et leur compagne commune, s’aimer d’amour tendre et sans presque de heurts grâce à une morale esthétique et neuve sans cesse reconsidérée. » Et ce livre, bien plus qu’un roman était un récit largement autobiographique, une véritable déclaration amoureuse à celle qui deviendra la mère de Stéphane Hessel, Helen Grund, femme libre avant tout. (N.F.)
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PRINCESS BRIDE, de Rob Reiner
(US – 1988 – VOST – 1h38)
– Pour divertir son petit-fils, alité pour une mauvaise grippe, un homme commence à lui raconter une histoire qu’il a entendue souvent au cours de son enfance : celle de la princesse Bouton d’or. Après la mort de son fiancé Westley, assassiné par des bandits, la belle jure de ne plus jamais aimer personne…
Des blagues, des coupes de cheveux et des répliques politiquement très incorrectes, une princesse infichue d’assommer un Rongeur de Taille Inhabituelle en train de dévorer son bien-aimé alors qu’elle a une bûche à la main et surtout une BO entièrement composée avec le son trompette du meilleur synthétiseur des années 80 : voilà ce qu’il vous faudra assumer devant vos neveux ou nièces, enfants ou petits-enfants ébahis. À part ça, si avant d’y aller iels vous demandent s’il y a de l’action, faites confiance à Columbo et dîtes comme lui : « Oh il n’y a que ça ! : bagarres, duels, tortures, vengeances, géant, monstres, poursuites, évasions, amour Vrai, miracle. »
Et surtout, n’oubliez pas que Rob Reiner est la même personne qui a réalisé Spinal Tap et Stand by me, qu’un conte de fées où la Princesse Fiancée s’entend dire « S’il vous plaît, considérez-moi comme l’alternative au suicide » à un quart d’heure de la fin par son perfide futur époux n’est pas tout à fait un conte comme les autres. (A.B.)
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L’EMPIRE DES SENS, de Nagisa Oshima
(JAP + FR – 1976 – VOST – 1h45)
– 1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Son patron Kichizo, bien que marié, va bientôt manifester son attirance pour elle et va l’entraîner dans une escalade érotique qui ne connaîtra plus de bornes.
D’un fait divers notoire survenue au Japon en 1936, Nagisa Ōshima décide en 1976 d’en faire un film pornographique non simulé. Il vise à secouer la société nippone qui, depuis la fin du XIXe siècle, réprime la sexualité et réprouve le désir féminin. Ōshima va y imposer la figure d’Abe Sada, femme désirante, dont la libido dévorante et assumée prendra le pouvoir sur son amant consentant. Mais au-delà de son genre, ce film a aussi gagné ses lettres de noblesse par sa beauté formelle. Presque chaque cadrage est une œuvre d’art, une référence à la peinture et aux estampes japonaises. Comment oublier ces visages de Madone, ce kimono rouge passion qui irise et compose les images, voile la scène en drapé abstrait ou dévoile L’origine du monde ? Cependant, en 2023, sans négliger la révolution qu’il provoqua, ne serait-il pas légitime d’interroger ce que ce film véhicule d’un désir féminin réduit à la performance d’un sexe d’homme, qui parfois viole aussi ?
Une idée : refaisons L’Empire des Sens où il serait question de multiples sexualités, de corps hétérogènes et où la sacro-sainte pénétration serait minoritaire ! (N.M.)
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