PRINCESS BRIDE, de Rob Reiner
(US – 1988 – VOST – 1h38)
– Pour divertir son petit-fils, alité pour une mauvaise grippe, un homme commence à lui raconter une histoire qu’il a entendue souvent au cours de son enfance : celle de la princesse Bouton d’or. Après la mort de son fiancé Westley, assassiné par des bandits, la belle jure de ne plus jamais aimer personne…
Des blagues, des coupes de cheveux et des répliques politiquement très incorrectes, une princesse infichue d’assommer un Rongeur de Taille Inhabituelle en train de dévorer son bien-aimé alors qu’elle a une bûche à la main et surtout une BO entièrement composée avec le son trompette du meilleur synthétiseur des années 80 : voilà ce qu’il vous faudra assumer devant vos neveux ou nièces, enfants ou petits-enfants ébahis. À part ça, si avant d’y aller iels vous demandent s’il y a de l’action, faites confiance à Columbo et dîtes comme lui : « Oh il n’y a que ça ! : bagarres, duels, tortures, vengeances, géant, monstres, poursuites, évasions, amour Vrai, miracle. »
Et surtout, n’oubliez pas que Rob Reiner est la même personne qui a réalisé Spinal Tap et Stand by me, qu’un conte de fées où la Princesse Fiancée s’entend dire « S’il vous plaît, considérez-moi comme l’alternative au suicide » à un quart d’heure de la fin par son perfide futur époux n’est pas tout à fait un conte comme les autres. (A.B.)
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LE BONHEUR, d’Agnès Varda
(FR – 1964 – 1h19)
– Un menuisier aime sa femme, ses enfants et la nature. Ensuite il rencontre une autre femme, une postière, qui ajoute du bonheur à son bonheur. Toujours très amoureux de sa femme, il ne veut pas se priver, ni se cacher, ni mentir.
« Je l’ai tourné vite, je l’ai écrit vite, ça s’est fait vite. C’est un film impressionniste et il est fait d’impressions sur le bonheur. Je voudrais qu’il fasse bonne impression aussi. J’ai choisi un vrai couple [pour incarner le couple à l’écran, ndlr], c’était plus amusant. Ça me plaisait de filmer avec une vraie famille. Ce n’est pas du tout leur histoire mais le fait qu’ils soient un vrai couple a rendu le tournage plus naturel… »
Agnès Varda, à propos du Bonheur au 20H du JT de l’ONRTF
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CÉSAR ET ROSALIE, de Claude Sautet
(FR + ALL + IT – 1972 – 1h50)
– L’histoire d’un trio amoureux et d’une amitié naissante. César aime Rosalie. César est à l’aise en société, plein d’entrain et dirige une société de ferrailleurs. Rosalie, restée très proche de sa famille, partage sa vie avec César. Et il y a aussi David, un artiste qui fut autrefois l’amant si cher au coeur de Rosalie.
« Rosalie aime aimer. Elle sait qu’un homme est beau quand il bouge, quand il se bat. Autrement, l’amour meurt. C’est sa morale. J’ai tourné ce film où les personnages essayent de s’affranchir tout à fait honnêtement des conventions » et de franchir « des stades plus élevés de rapports. »
Claude Sautet, à propos de César et Rosalie
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LES SORCIÈRES D’EASTWICK, de Georges Miller
(US – 1987 – VOST – 1h58)
– Trois jeunes femmes espiègles et indépendantes se morfondent dans la très puritaine petite ville d’Eastwick ou jadis furent brûlées maintes sorcières accusées de commerce avec le Diable. Elles se réunissent régumièrement, jusqu’au jour où… Daryl van Horne…
L’été où un magnétoscope est apparu à la maison, un jeune ami cinéphile de notre père lui a prêté un carton de VHS. Dedans il y avait Les Sorcières d’Eastwick.
Je ne sais plus quel âge on avait, mais si on l’a autant regardé mes sœurs et moi, c’est qu’il devait s’y passer un truc qui nous parle.
La vérité c’est que cette histoire d’émancipation et d’empouvoirement de ces trois amies dans un bled conservateur est jouissive. C’est ça qu’on voulait : être fortes, libres, se marrer, draguer Satan. (A.B.)
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L’EMPIRE DES SENS, de Nagisa Oshima
(JAP + FR – 1976 – VOST – 1h45)
– 1936, dans les quartiers bourgeois de Tokyo. Sada Abe, ancienne prostituée devenue domestique, aime épier les ébats amoureux de ses maîtres et soulager de temps à autre les vieillards vicieux. Son patron Kichizo, bien que marié, va bientôt manifester son attirance pour elle et va l’entraîner dans une escalade érotique qui ne connaîtra plus de bornes.
D’un fait divers notoire survenue au Japon en 1936, Nagisa Ōshima décide en 1976 d’en faire un film pornographique non simulé. Il vise à secouer la société nippone qui, depuis la fin du XIXe siècle, réprime la sexualité et réprouve le désir féminin. Ōshima va y imposer la figure d’Abe Sada, femme désirante, dont la libido dévorante et assumée prendra le pouvoir sur son amant consentant. Mais au-delà de son genre, ce film a aussi gagné ses lettres de noblesse par sa beauté formelle. Presque chaque cadrage est une œuvre d’art, une référence à la peinture et aux estampes japonaises. Comment oublier ces visages de Madone, ce kimono rouge passion qui irise et compose les images, voile la scène en drapé abstrait ou dévoile L’origine du monde ? Cependant, en 2023, sans négliger la révolution qu’il provoqua, ne serait-il pas légitime d’interroger ce que ce film véhicule d’un désir féminin réduit à la performance d’un sexe d’homme, qui parfois viole aussi ?
Une idée : refaisons L’Empire des Sens où il serait question de multiples sexualités, de corps hétérogènes et où la sacro-sainte pénétration serait minoritaire ! (N.M.)
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CORPS ET ÂME, d’Ildiko Enyedi
(HON – 2017 – VOST – 1h56)
– Mária, nouvelle responsable du contrôle de qualité et Endre, directeur financier de la même entreprise, vivent chaque nuit un rêve partagé, sous la forme d’un cerf et d’une biche qui lient connaissance dans un paysage enneigé.
« Toute l’histoire du film tourne autour de la dualité et de l’unité, de la difficulté d’unir deux personnes si elles ne sont pas en harmonie avec leur propre vie, ce qui est presque toujours le cas. […] Les deux personnages, Endre et Maria, ont la même réaction face à une situation trop forte pour eux : ils se limitent pour se sécuriser, et le fruit de cette limitation, c’est une petite vie très misérable, très grise et en même temps très prévisible. […] Ce sont deux personnes qui se retrouvent face à une situation qui les pousse vers un territoire dangereux, inconnu pour Maria, trop connu pour Endre. La question qui se pose est : vont-ils oser se jeter dans cet inconnu ? »
Interview de la réalisatrice Ildikó Enyedi pour aVoir aLire
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99 MOONS, de Jan Gassmann
(CH – 2023 – VOST – 1h51)
– Bigna, sismologue de 28 ans, veut tout contrôler, jusqu’à ses jeux érotiques. Frank, 33 ans, travaille de nuit dans des clubs où il s’évade dans les paradis artificiels et les relations sans lendemain. Les deux vont s’aimer..
Les films où il est question d’amour, et les films tout court d’ailleurs, nous rappellent inévitablement à nos turpitudes amoureuses. Une manière, probablement, d’aller chercher dans les images et les récits inventés par d’autres les raisons que notre cœur n’a pas. 99 Moons de Jan Gassmann m’a terrassée. D’abord parce que trop rares sont encore les films où les femmes ne transigent pas sur leurs désirs et où leur sexualité fait fi des conventions : Bigna aime avoir le pouvoir, dirige pour jouir même jusqu’à blesser parfois. Ensuite parce que Bigna et Frank, c’était pas du tout écrit d’avance : une simple romance Tinder prend, avec le temps et pendant 99 lunes, le chemin d’un amour dont la puissance ne s’étiole ni avec le temps, ni parce que d’autres rencontres arrivent. Il aura beau y avoir des plans à trois, des séparations sans nouvelles, des amours censées durer, la distance et parfois même, la mort qui rode et des circonstances qui bousculent… cet amour-là fait, à chaque fois qu’il survient, trembler jusqu’à la terre – comme une manifestation surnaturelle du métier de Bigna. D’une beauté déchirante. (C.B.)
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LES CHANSONS D’AMOUR, de Christophe Honoré
(FR – 2007 – 1h40)
– Toutes les chansons d’amour racontent la même histoire : « lI y a trop de gens qui t’aiment »… « Je ne pourrais jamais vivre sans toi »… « Sorry Angel ». Les chansons d’amour racontent aussi cette histoire-là.
Les comédies musicales sont rapidement agaçantes. Ou gênantes. Un peu comme les films Disney d’aujourd’hui – avez-vous remarqué que plus on avance dans le temps, plus le temps entre chaque chanson s’amenuise dans les Disney ? Quelques exceptions confirment la règle : Demy bien sûr, et Honoré, enfant de Demy justement, ça a fini par se voir… Pas facile de faire chanter des comédien·nes. Les Chansons d’amour est une franche réussite parce que la bande originale est brillamment composée par Alex Beaupain (qui s’est vu auréolé d’un César pour ce travail). Nous sommes nombreux·ses à avoir acheté l’album après le film et à nous souvenir encore de quelques vers. Et puis, chaque chanson raconte quelque chose que les dialogues ne nous disent pas évitant ainsi les bons sentiments, le pathos, le drame absolu qui est pourtant glaçant : la perte de l’amour d’une vie. L’histoire est réelle puisqu’elle est inspirée de ce qui a vraiment changé la vie d’Alex Beaupain (Honoré et le compositeur sont amis), mais étonnamment jamais plombante parce que teintée de la joie de l’expérience de l’amour. Qu’il soit libre, salvateur ou tenté par les expériences. « Petit salaud, ton jeu est clair, tu veux tout sans rancune… » (C.B.)
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SÉRÉNADE À TROIS, d’Ernst Lubitsch
(US – 1933 – VOST – 1h31)
– Deux artistes américains partageant un appartement à Paris tombent tous les deux amoureux de la belle et spirituelle Gilda Farrell qui ne peut se décider entre les deux prétendants. Ils décident alors d’emménager tous les trois.
À l’époque considéré subversif – en même temps qu’est-ce qui ne l’était pas en 1933 ? – Sérénade à trois illustre parfaitement l’art de Lubitsch, en l’occurrence, envoyer paître les convenances : la séduction n’a plus aucune règle, les femmes mènent tout à la baguette et paf : assumons et affichons donc une relation à trois. Badinons toujours, comme Lubitsch aime à le montrer dans ses films, mais n’oublions pas : « Mieux vaut se dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Et tant pis si elle fait mal. » Tellement vrai. (C.B.)
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BIGAMIE, d’Ida Lupino
(US – 1953 – VOST – 1h23)
– Un couple sans enfant demande à adopter. Mais l’enquête préalable met à jour la vie secrète du mari…
Outre sa prolifique carrière d’actrice, Ida Lupino est l’une des rares femmes réalisatrices dans l’Amérique des années 1950. Et quand on lui demandait comment elle en était arrivé là, elle répondait : « Parce que je m’ennuyais à pleurer sur le plateau, et que quelqu’un d’autre avait l’air de faire tout le travail intéressant. » Rapidement, Lupino choisit de traiter des sujets de société forts, choisissant des actrices et acteurs peu connu·es, des physiques de la rue, loin l’académisme hollywoodien. Mais ce qui caractérise son œuvre, c’est son empathie pour les losers et les marginaux, dont elle aura su filmer comme personne toute la solitude et la sensibilité. (G.G.)
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MISS OYU, de Kenji Mizoguchi
(JAP – 1951 – VOST – 1h33)
– Fin de l’ère Meiji. Lorsque Shinnosuke est présenté à Oshizu en vue d’un mariage, il est ébloui par sa sœur Oyu, plus âgée. Bien que celle-ci soit veuve, les conventions l’empêchent toutefois de se marier car elle reste liée à son défunt mari par l’enfant qu’ils ont eu ensemble. Le mariage entre les jeunes gens aura bien lieu, mais Oshizu décidera que c’est sa sœur Oyu qui profitera des faveurs de Shinnosuke…
D’une blessure d’enfance, Kenji Mizoguchi fera naitre de magnifiques héroïnes. Elles sont là, Oyu et Shizo, toutes deux prises dans la tragédie de leur passion, à la fois rivales et sacrifiant leur l’amour pour l’autre. Mais l’envoûtement de ce cinéma c’est aussi sa mise en scène, sa respiration. Elle tisse avec elle des mouvements de caméra, confrontant corps et réseau de lignes, où les personnages dansent à petits pas, passant d’un côté à l’autre des cloisons, glissant derrière les écrans de végétation, séparés ou protégés de leur terrible dilemme amoureux. Tout se dit là, subtile et sublime. (N.M.)
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GIRLFRIENDS AND GIRLFRIENDS, de Zaida Carmona
Titre original : La Amiga de mi Amiga
(ESP – 2022 – VOST – 1h25)
– Elles ont une trentaine d’années mais vivent comme lorsqu’elles en avaient vingt. Elles sont amoureuses de l’amour mais, dans leur quête, elles se déchirent, passant d’une ex à l’autre, d’une relation à l’autre.
Certains films prouvent avec jovialité et fierté la haute vertu de dégager quelques espaces, ne serait-ce que le temps d’une projection, où une communauté singulière peut exister de façon pleine et entière. La cinéaste, avec un budget qualifié de « punk », et sa compagnie de femmes amoureuses – dont Rocío Saiz, chanteuse et activiste, et Alba Cros, également directrice de la photographie et réalisatrice – déploient d’heureuses possibilités : dans cette métamorphose de l’œuvre rohmérienne, où depuis la mélancolie de la rupture l’on tisse les chemins vers la vitalité des sourires, Zaida Carmona exprime le génie lesbien et expose son intention « qu’une personne hétérosexuelle puisse avoir comme références des personnages de films LGBTIQ+. »
Si vous aussi vous venez de traverser une période de trouble sentimental, mais qu’à l’amertume vous aimez conjuguer la douceur et le rire sans ambages, profitez de ce long métrage coloré pour une sortie collective dont le seul risque est de vouloir ensuite partager son amour avec l’ensemble de vos partenaires de séance. (R.S.)
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